D’année en année, tandis que Sphères grandissait, nous recevions de-ci de-là un mail de lecteur nous demandant si nous n’avions pas gardé, au fond du bureau, un ou deux exemplaires de notre numéro 5 sur les cavaliers, paru au début de notre média, en mai 2021 (la réponse est : même pas). À force, ça a commencé à faire du monde. Ce hors-série est le résultat de leur obstination.
Grâce à eux, nous nous sommes plongés à nouveau dans l’univers des cavaliers, à qui nous avons décidé de consacrer ce hors-série 100% inédit. Comme il y a cinq ans, nous sommes partis à la rencontre du haut niveau de l’équitation, ici avec les médaillés olympiques Pénélope Leprévost et Kevin Staut, avec la jockey d’obstacle Bryony Frost, mais également derrière les grilles du Haras national du Pin. Nous avons voyagé, en Colombie et en Californie, pour documenter l’affranchissement des chevaux de Bogota et le renouveau de la Charrerìa, tradition équestre mexicaine en terre états-unienne. Nous nous sommes retrouvés face à des cavaliers d’un genre nouveau, voltigeurs débrouillards qui finissent derrière la caméra, ou encore internautes qui cajolent des équidés depuis leur clavier. Et nous avons compris deux choses importantes.
D’abord que le temps ne fait rien à l’affaire, et que l’on a retrouvé, partout, la même ferveur, la même connexion indescriptible avec le cheval qui nous avait naguère tant impressionnée. Ensuite, que nous tenions avec ce numéro la preuve vivante de ce que nous soupçonnions depuis le début : on n’en finit pas d’explorer une communauté de passionnés.
Grand entretien : Kevin Staut
Tout juste arrivés à l’écurie de Kevin Staut, dans la commune de Pennedepie — à quinze minutes de Deauville — on aperçoit, au milieu des prés, une silhouette à cheval descendant d’un pas léger une petite butte. Le visage de Kevin Staut, grand sourire et chevelure châtain clair impeccable, apparaît alors. Âgé de 44 ans, le natif du Chesnay, dans les Yvelines, n’est pas issu du sérail. Il n’en demeure pas moins, et c’est une prouesse tant les dynasties équestres règnent sur le haut niveau, l’un des plus grands cavaliers français. Outre son titre olympique, Kevin Staut a été numéro un mondial pendant plusieurs mois. Il est aussi propriétaire de l’écurie qui porte son nom depuis plus de vingt ans.
Son lien avec le cheval s’est tissé sur le tard, à la fin de l’adolescence. D’abord à pied, dans l’observation patiente et attentive de l’animal, avant de se prolonger en selle. Une longue relation qui a façonné le regard qu’il porte aujourd’hui sur le monde équestre. Entre souvenirs douloureux et merveilleux des Jeux olympiques, réflexions sur le bien-être animal et inquiétudes face à une équitation devenue trop commerciale, Kevin Staut partage ses réflexions sur une pratique dans laquelle le cheval reste « le véritable héros de l’histoire ».
Tierra Del Sol
C’est par hasard, dans la petite ville californienne de Pico Rivera, que le photographe Carlos Jaramillo a découvert la Charrerìa. Cette tradition équestre mexicaine, proche du rodéo, est aujourd’hui reprise en main par la jeunesse de la communauté latino aux États-Unis, que l’artiste met en valeur dans une série à l’atmosphère picturale, quasi cinématographique.
Changement de régime
Pendant plus de trois siècles, le Haras national du Pin, plus ancien haras national de France, a été fidèle à sa vocation : l’élevage de montures d’élite, d’abord destinées à la guerre, puis aux courses. Aujourd’hui, l’institution normande, voulue par Louis XIV, a vu sa raison d’être détricotée quand l’État s’est désengagé. C’est donc par le sport, la sauvegarde de races locales et les spectacles que l’établissement reste un site incontournable du monde équestre.
"Je ne pense pas que je marcherai très droit à 40 ans"
Dans son domaine, Bryony Frost est une star. Meilleure jockey d’obstacle féminine de tous les temps en Angleterre, elle est la première vainqueure de la prestigieuse King George VI Chase (rappelons que les courses hippiques sont l’un des rares sports mixtes). Une carrière spectaculaire qui n’est pas sans épisode douloureux, notamment en 2021 quand elle fut victime d’une grave affaire de harcèlement et d’intimidation sur laquelle elle ne souhaite pas revenir. Sur tout le reste, la trentenaire installée en France depuis 2024 répond avec humour et fraîcheur. Qu’il s’agisse du quotidien d’un jockey, de la sempiternelle question des blessures, de son côté “enfant sauvage” qui n’a jamais pensé “vouloir marquer l’histoire ou que sais-je d’autre”, et qui pourtant y est parvenu.