Numéro 22

Les chats et nous – Couverture 1

144 pages de caresses, feulements, litières, croquettes et autres ronrons pour saisir la place de minet dans notre société. Deux couvertures disponibles !

Les chats et nous – Couverture 1
20 €
Édito

Nous aiment-ils vraiment ? Difficile à dire. Mais nous les aimons. C’est là toute leur force. Les chats s’en foutent (ou font mine de s’en foutre) et parce qu’ils s’en foutent (ou font mine de s’en foutre), nous sommes séduits. Relation toxique dont nous raffolons parce que c’est si mal mais c’est si bon, et à force d’en redemander fatalement le félin miniature conquiert la planète entière, bien aidé par les photos kitsch, les vidéos mignonnes et les mèmes rigolos (regardez, ce chat joue du piano !). Résultat, rien qu’en France, on compte plus de seize millions de minets. Le voilà, le grand remplacement fantasmé. L’extrême-droite (c’est le comble) en est victime sans le savoir : le 3 octobre dernier, Marine Le Pen traînait jusqu’à Matignon un tout jeune chaton. Ils sont partout, dans les lieux de pouvoir, dans les villes, dans les campagnes et même dans certaines toutes petites îles bretonnes, où ils prolifèrent tant que la commune lance des campagnes de contrôle et de stérilisation. Mais vous lirez ça un peu plus loin.

Ce sont bien sûr des généralités. Certains opposeront qu’il y a des minets pots de colle et des matous câlins, c’est-à-dire des relations saines. Ils n’auraient pas tort, mais de un ils n’ont pas voix au chapitre puisque c’est un édito. Et de deux, personne n’oserait nier que la spécificité du chat est de conserver une indépendance et une autonomie, fussent-elles ténues. Ce qui permet de développer une relation plus horizontale, moins dominé-dominant (contrairement à ce gros lèche-bottes de Médor). Relation qui fascine parce qu’elle implique une découverte des deux parties, or le chat ne se décrypte pas aisément. Tous les gens rencontrés à l’occasion de ce numéro disent continuer à apprendre des facettes de sa personnalité, même Claude Béata, vétérinaire-psychiatre et rédacteur en chef invité, qui a pourtant dédié une bonne partie de sa vie à l’étude sérieuse de son comportement.

L’écrivaine Nathalie Quintane, par exemple, se demande ce qu’est une existence à hauteur de minet, invente un chat-Français moyen et déploie un parler chat. L’illustratrice Cosmo, elle, voit dans le félin un être nuancé à la symbolique inépuisable, et le dessine donc pour sa grâce ou sa lascivité, sa paresse ou son agressivité. Le chat et ses mystères s’invitent partout, dans des concours de beauté féline, dans des œuvres féministes qui se réapproprient la figure de la femme à chats, dans des thérapies post-conflit en Syrie ou encore lors des concerts de Lutèce, qui ne s’exprime pleinement sur scène que sous les traits de son alter ego, Le Châ. Si vous étiez un chat (peut-être que c’est le cas, et alors vous êtes un chat lettré et il faut absolument qu’on vous interviewe), ce numéro serait une main tendue. Libre à vous de vous y frotter.

Entretien avec l'écrivaine Nathalie Quintane : Rendre sa langue au chat

Chemoule aime les bandes de gras de jambon, le poêle à bois et le sommeil. Chemoule en revanche déteste le feu éteint, les croquettes Aldi, qu’on la gratte là et pas là et plus globalement le changement. Cela, Nathalie Quintane, poétesse, écrivaine et proprio de l’animal, le raconte à hauteur de chat (soit environ 20 centimètres du sol) et à la première personne dans son dernier ouvrage Chemoule, un chat français (P.O.L, 2025), illustré par Stephen Loye. Dans cette autobiographie qui rend sa langue au chat se suivent, avec queue et tête mais sans logique narrative, des fragments de vie féline. On est ainsi plongé dans la perception de minet, entre épisode scatologique (la litière est une préoccupation récurrente), chasse à la mouche (« salope ! ») et intérêt prononcé pour la sieste.

Outre cette épopée sarcastique, l’autrice incorpore fantaisie et politique dans son texte. Car Chemoule, bien que mignonne, est aussi française. À ce titre, elle est intraitable sur l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir, râleuse et méfiante vis-à-vis des futurs voisins. Ce qui nous a amenés à demander à l’écrivaine si son personnage ne serait pas par hasard un vieux con réac’. Et si, par essence, tous les chats du monde ne seraient pas un peu de droite.

Illustration par Stephen Loye

Qui sera le Best Suprême ?

Le 5 octobre se tenait au salon Animal Expo, au parc floral de Vincennes, un concours félin auquel participaient 550 chats. L’éleveuse de maine coons Nadège Terrien y retrouvait sa bande de quinze adoptants et y présentait ses protégés, dans l’objectif de remporter le titre ultime de « best suprême », ou « best in show », soit le plus beau spécimen du salon. Immersion.

"Les qualités du chat sont des outils précieux pour les femmes"

D’un trait rétro inspiré par le pop art, Cosmo Danchin-Hamard dessine des scènes aux couleurs saturées porteuses d’un message satirique souvent incarné par des femmes, et souvent par des chats. Car l’illustratrice même pas trentenaire, installée au Havre depuis 2020 après une enfance à Étretat et dix années à Paris, entretient avec le félin une relation personnelle née à quatre ans avec Moumousse (le chat de sa marraine qui faisait alors la même taille qu’elle), poursuivie avec son chartreux Blue Love (qui savait jouer à cache-cache) et Plume (qui, c’est le comble, était obèse).

Dans son travail, visible sur son compte Instagram @cosmoillustrator, le chat se décline sous mille facettes. Personnage principal ou détail du dessin, il est tour à tour vecteur d’ironie, de malice et d’élégance, et incarne aussi bien la paresse que la lascivité, la distance que la proximité. Autant de nuances qui, pour l’artiste, font du chat une figure fascinante mais aussi féminine, en cela qu’elle représente à merveille la posture d’équilibriste que la société impose aux femmes : sensuelles mais pas trop, agressives mais pas trop, indépendantes mais pas trop.

Chatonnade à Molène

L’été dernier, la minuscule île bretonne de Molène comptait 90 chats errants pour 120 habitants à l’année. Une prolifération qui représente une menace pour la biodiversité, la sécurité et le tourisme locaux, les félins s’étant rendus coupables en juillet d’attaques sur des visiteurs. La commune s’est emparée du sujet, mais a peut-être été devancée par des Molénais peu férus de ronrons, équipés de carabines et de poison.

Ajouter au panier

Collection Sphères
Les chats et nous – Couverture 1
20 €