Cet ouvrage est le premier d’une nouvelle collection consacrée aux métiers d’art, qui paraîtra au rythme d’un numéro par an (ou deux, si l’on en a le temps). Notre but est d’y aborder ces univers d’une manière plus libre, pop, fraîche que ce que le traitement médiatique d’ordinaire leur réserve. Pour ce faire, nous nous entourons d’un comité éditorial composé de deux jeunes pointures : Yvane Jacob, autrice et journaliste spécialisée en histoire de la mode, et Louis Pisano, chroniqueur fashion américain reconnu pour son verbe aussi acide que drôle et ses scoops réguliers. « Pointures », le terme a son importance, mais l’adjectif « jeunes » aussi. Car ce premier numéro laisse la part belle à la jeune génération.
En faisant défiler ses pages, vous plongerez en images dans les promesses étincelantes que réserve l’avenir, à travers les portraits de sept créateurs indépendants vêtus de leurs parures. Vous déambulerez aussi dans la jardinerie précieuse du haut joaillier Emmanuel Tarpin, comprendrez pourquoi la marque de Mia Khalifa s’appelle Sheytan (« Diable », en arabe), parcourrez les cinquante dernières années dans le sillon du rap bling orné de diam’s, chaînes ou grillz et lirez l’enthousiasme du danseur étoile Hugo Marchand devant la libération du bijou masculin. Et nous nous en tiendrons là. Si l’on s’en réfère à la culture du secret de la joaillerie, nous en avons déjà trop dit.
Entretien avec le danseur étoile Hugo Marchand : brouiller les codes du masculin et du féminin
La scène interdit souvent à Hugo Marchand le port de bijoux. Parfois parce que le rôle ne s’y prête pas, comme ce mois de décembre, où il incarne Quasimodo dans Notre-Dame de Paris à l’Opéra Bastille – il faut concéder qu’on imaginerait mal le bossu couronné. Souvent parce que les parures sont trop contraignantes et trop risquées, pour lui comme pour ses partenaires : une arabesque mal maîtrisée et une bague accrocherait un tutu, une main heurterait un diadème.
Installé dans la suite opéra du Ritz (ça tombe sous le sens), le danseur étoile de 32 ans affirme se rattraper à la ville, où ses boucles d’oreille, bagues et bracelets fétiches ne quittent jamais sa peau. Ils transcrivent son humeur, son inspiration, ses projets… mais ne suffisent pas tout à fait à combler sa soif d’éclat et de couleurs : quand il en a l’occasion, Hugo Marchand se fait un plaisir de s’habiller de pièces plus osées. Manière pour lui non seulement de s’exprimer, mais aussi de contribuer, en tant que figure publique, à l’expansion du vestiaire joaillier masculin.
Pépites
Afin de témoigner de l’effervescence de la joaillerie indépendante, Sphères a pris le parti de capturer la jeune génération de ses créatrices et créateurs les plus prometteurs. Pour rendre la diversité de leurs univers et de leurs parures, le photographe Cyril Zannettacci les présente sous des lumières et dans des cadres changeants, en alternant entre la couleur et le noir et blanc.
Emmanuel Tarpin, Jeune Pousse
Du haut de ses 33 ans, Emmanuel Tarpin crée des pièces de haute joaillerie uniques et gère seul son entreprise fondée en 2017. Auréolé d’un succès précoce, le natif d’Annecy, passionné de montagne, s’inspire surtout de la nature pour réaliser des bijoux piments, fourmis, géraniums ou orchidées, grâce auxquels il entend apporter fraîcheur et légèreté à l’univers joaillier, parfois un tantinet guindé.
Interview : Mia Khalifa, les bijoux du diable
Ces derniers temps, au lieu de porter les créations d’autres personnes, Mia Khalifa crée les siennes. La sulfureuse trentenaire libano-américaine, qui compte parmi les it-girls les plus en vogue de la planète, a lancé en 2023 sa propre ligne de bijoux, Sheytan (« diable » en arabe), composée notamment de chaînes de ventre, chevilles et mains à des prix compris entre 70 et 300 euros. Pensée comme une déclaration d’amour aux bijoux en or des femmes à la peau mate, cette collection est partagée entre revendication d’une culture moyen-orientale et rébellion contre le traitement dégradant réservé aux femmes qui y vivent.
