Navigateur. Le mot jouit encore d’une aura mythique, chargée de sel et de houle, piquante comme les embruns. Rien qu’à le lire, on se figure des horizons perdus, des océans infinis, des tempêtes pernicieuses, des pêches miraculeuses, des éloignements trop longs et des retrouvailles trop brèves.
Des navigateurs, on oublie les représentants moins pittoresques : les voileux du dimanche, les pêcheurs côtiers, les matelots de la Marine nationale rendant leurs tripes sur les bateaux-écoles… Nous nous sommes efforcés de rendre visite au plus grand nombre d’entre eux. Il fallait bien cela pour saisir ce qui, dans leurs pratiques si diverses, les rassemble autour d’une passion commune.
Ce numéro est une invitation à voguer avec eux.
Entretien croisé : Thomas Pesquet et François Gabart
Entre l’astronaute et le skipper aux multiples titres, les parallèles fusent et s’enchaînent. Et comme ils se connaissent déjà, nous avons pu approfondir les sujets qui les rassemblent : l’endurance face à l’inconfort, la quête de sens au-delà de la performance, l’engagement écologique. Naturellement, invitation a été faite à Thomas Pesquet de venir naviguer sur le trimaran. La réciproque, pour l’instant, est plus difficile à envisager.
À lire dans ce numéro : reportage avec une association de reconstitution sur une réplique d’un bateau du Xe siècle ; portfolio dans l’intimité d’un chantier naval ; récit de la folle cavale de l’Odeep One, quasi épave de 190 mètres de long interdite de navigation ; un dossier sur les marins et proches de marins qui restent à terre ; ou encore un portrait du skipper Eugène Riguidel.
De haute mer en hautes luttes
Adepte de l’école buissonnière, assureur, skipper un temps célèbre, puis un temps vagabond, Eugène Riguidel a vécu mille vies qui n’ont de points communs que la mer et la lutte. Le marin révolté de 81 ans, fervent anticapitaliste et écologiste convaincu, pratique encore un militantisme tous azimuts sur son bout de terre breton.