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César Marchal le

Glenn Viel et Laurent Ballesta : Voyage au bout de la mer

Amoureux de l’océan dont il connaît les effluves et les saveurs par ses origines bretonnes, Glenn Viel, 45 ans, ne pouvait rater l’occasion de recevoir un convive de marque, adepte comme lui des mystères que recèlent les abysses : Laurent Ballesta. Le plongeur et photographe sous-marin de 50 ans, originaire des plages palavasiennes proches de Montpellier, incarne tout ce que le chef triplement étoilé admire : un amour immodéré pour la découverte, un besoin irrépressible de liberté et des histoires à faire taire même un Breton. Les deux hommes reviennent sur ce qui les unit : la nourriture, bien sûr, mais aussi le commandant Cousteau, la préservation de l’environnement, le pouvoir des images ou encore leur goût infini pour la curiosité. 

Propos recueillis par : Lucas Bidault 
Photographies : Boby

Laurent, vous êtes déjà venu une fois ici, à Baumanière. Dans quel contexte était-ce et aviez-vous apprécié la cuisine de Glenn ?

Laurent Ballesta : Ah, je ne suis pas critique gastronomique, je suis nul là-dessus ! [Rires.] 

Glenn Viel : Allez, démerde-toi avec ça ! [Rires.]

LB : Je suis venu par l’intermédiaire d’un ami commun à Glenn et moi, qui a eu envie qu’on découvre ce lieu. Comme il se trouve que mon épouse est passionnée de gastronomie, et un peu fan de Glenn Viel aussi, ce qui m’agace un peu [Rires.], on s’est retrouvés ici à déjeuner un dimanche et c’était bien bon. J’aime bien manger et je suis gourmand, mais je n’ai pas une passion poussée pour la gastronomie. Le principe de la troisième étoile, c’est que ça vaut le déplacement, c’est ça ?

GV : Le voyage !

LB : Moi, je ne conçois pas ça. Je comprends que l’on s’y arrête, à la rigueur qu’on fasse un détour, mais le voyage… 

GV : Parfois le détour, c’est un voyage. 

LB : Ce que j’ai mangé était délicieux, je ne regrette pas, mais je manque de culture et de capacité à comparer pour juger de la qualité. Moi, ce qui me passionne, c’est la passion. Être ici, c’est la curiosité de voir quelqu’un comme Glenn aller aussi loin dans son domaine, être obsédé par son truc. Une passion, ça isole. Alors c’est toujours intéressant de voir comment d’autres passionnés gèrent le revers de la passion et du sacrifice.

GV : La passion, ça isole. C’est pas mal, ça !

LB : Le paradoxe, c’est que ta passion est faite pour être partagée. Quand je vais sous l’eau, la notion de partage est moins directe. Ce n’est qu’après, quand je ramène des images ou une histoire, que je la partage avec d’autres. Toi, c’est direct. Donc, je ne sais pas dans quelle mesure tu es isolé dans ta passion. En tout cas, tu dois vite en être guéri. 

GV : Oui, tu as raison. On reçoit beaucoup d’amour et de compliments. 

Laurent, vous avez grandi au bord de l’eau et avez passé votre baptême de plongée à l’âge de 13 ans. À l’inverse, Glenn, vous ne vous prédestiniez pas forcément à la cuisine puisque vous avez longtemps hésité à devenir gendarme. Comment vous sont venues vos passions respectives ?

GV : Déjà, on mange deux fois par jour. [Rires.] De près ou de loin, on a tout de suite un intérêt pour la cuisine car c’est vital. Ensuite, je n’étais pas très bon à l’école. [Il s’adresse à Laurent.] Ce qui n’est pas ton cas, hein ! Il a donc fallu rapidement prendre une orientation professionnelle. Tout petit, je voulais devenir humoriste. Puis la gendarmerie m’a attiré car mon père était gendarme, je voyais la sécurité de l’emploi.

LB : Il y avait le lien au voyage aussi non ? 

GV : Oui, avec la gendarmerie mobile, c’est vrai. Finalement, comme il y avait une dictée au concours d’entrée et que je suis dyslexique, je me suis dit que c’était mort. Mon plan B, c’était cuisiner. Ce n’était pas une contrainte, j’y suis venu par la gourmandise. Je suis le gars qui se levait la nuit en cachette pour aller taper un peu de riz au lait ou manger un yaourt. [Rires.] Je ne me suis pas menti, j’ai pris la trajectoire qu’il fallait que je prenne.

Et vous Laurent ?

LB : Plongeur dès le plus jeune âge ! Mais j’hésitais aussi avec des métiers artistiques comme dessinateur. Puis, il y a eu cette fascination pour les films du commandant Cousteau. La passion de la mer m’est venue grâce à ses images. Je voulais être comme les plongeurs qu’il mettait en scène, un super héros avec la même tenue et affronter l’inconnu. Je suis donc parti vers l’univers scientifique, à une époque où les bons élèves devaient faire des maths. En fait, la peur d’échouer a été un moteur. Je marchais très bien aux menaces un peu idiotes de mes parents et de la société : “Si t’es pas bon à l’école, tu vas finir en prison.” Alors je travaillais consciencieusement, et en parallèle, je pratiquais la plongée. Le grand choc, c’est quand j’ai commencé à faire quelques photos. Il y avait un appareil dans le coffre de mon club de plongée. Le jour où j’ai pu y accéder, j’ai à peu près raté toutes les photos de la pellicule ! [Rires.] Mais ce n’était pas grave parce que d’un coup, tout ce que j’aimais faire prenait sens. Je n’avais besoin de rien d’autre à part la plongée et la photographie. Ça inquiétait ma mère, elle répétait sans cesse : “Il ne s’intéresse même pas aux filles, ce n’est pas possible !

GV :  Il y a pourtant des sirènes dans l’eau. [Rires.]

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Collection Sphères
Les chefs
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