
Myriam Nicole : de hauts en bas
La France a une championne du monde qu’elle connaît peu en la personne de Myriam Nicole, notamment parce que son sport – le VTT de descente – n’est pas intégré aux Jeux olympiques. Après un début de saison 2024 difficile à cause d’une commotion cérébrale survenue un an plus tôt, l’Héraultaise est à nouveau l’une des favorites. À 35 ans, elle retourne à la lutte pour les podiums, mais aussi contre ses émotions, parfois envahissantes.

Photographie : Andrea Mantovani
Il faut la voir sur les vidéos et les documentaires qui lui sont consacrés, dévaler une montagne en trois minutes, se filmer en selfie chez elle après une blessure, parler franc, afficher un sourire désarmant, pleurer de déception, pleurer de joie, tomber, apostropher son copain – « Alors, tu me fais pas de bisou parce qu’il y a une caméra ? ». Ça donne envie de poser la fameuse question : elle est comment, Myriam Nicole, en vrai ? Pareil, en tout cas dans l’exercice de l’interview. Le même naturel accueillant, le même rire qui cascade. À condition, toutefois, qu’on ne lui dise pas que les gens comme elle sont des casse-cous, et que leur pratique est à peine un sport puisqu’ils ne pédalent pas, ou si peu : puisqu’ils ne font que descendre. Elle les a tant entendus, ces deux clichés. Au premier, elle répond qu’elle s’est fracturé une omoplate, un pied, un pouce, des petits os de la main et quatre fois les clavicules, oui, « mais en 17 ans de carrière, et sans vraiment de gros bobos ! » Au second, elle détaille les heures d’entraînement, les séances de cardio, de musculation, les longues sorties vélo, l’acide lactique qui brûle dans les jambes fléchies, les semaines de camps d’entraînement en montagne, tout ça, en effet, tendu vers un seul objectif : la descente. C’est d’ailleurs le nom de son sport.

Le VTT de descente, ou downhill en anglais, est l’une des modalités du vélo de montagne reconnues par l’Union cycliste internationale (UCI), aux côtés de l’enduro et du cross-country. Comme son nom l’indique, la descente est une course contre la montre à flanc de montagne au cours de laquelle les coureurs doivent affronter des passages techniques composés de racines, de cailloux, de bosses et de sauts. Leur vitesse peut parfois atteindre 70 km/h. « Ça revient toujours la question de la vitesse de pointe, mais ça ne veut pas dire grand-chose, explique patiemment Myriam Nicole. Si on va très vite, globalement, c’est que ça va. C’est beaucoup plus difficile d’aller à 35 km/h sur un sol accidenté, au milieu des roches et de la boue. » Sur ce terrain de jeu, Myriam Nicole est double championne du monde, multiple championne de France, et elle a remporté en 2017 le classement général de la coupe du monde.
Anticiper le moindre caillou
Les compétitions durent cinq jours en championnat (une seule course annuelle dont le vainqueur porte le maillot arc-en-ciel) et quatre en coupe du monde (dix manches par saison et un classement général). La première journée est dédiée à la reconnaissance du tracé à pied, le seconde à l’étude des trajectoires et aux derniers réglages du vélo, après quoi viennent les qualifications puis la finale. « Le but, pendant la durée d’une compétition, c’est de faire le moins de descentes possible car c’est épuisant et très traumatisant pour l’organisme », précise l’Héraultaise. Gainé, fléchi en chaise derrière la selle, le corps encaisse en provenance du sol des impacts décuplés par la vitesse. Là-dessus, il faut aussi être explosif pour pouvoir donner, sur telle portion, le coup de pédale qui permettra de grapiller un dixième de seconde. « Tout en sachant que le moindre moment d’inattention va conduire à la chute, poursuit-elle. La descente demande une concentration extrême, et on travaille beaucoup notre capacité à se recentrer sur la course en cas de pensée parasite. » Avant de s’élancer, comme chez les skieurs de descente, on voit souvent les coureurs visualiser mentalement les trajectoires. Fermer les yeux, mimer les virages avec des mouvements de bras, anticiper le moindre caillou, la moindre racine. « Quand on est lancé, c’est extraordinaire, raconte Myriam Nicole. Les cinq sens sont en éveil, boostés par l’adrénaline. Avec la vitesse et le vent qui siffle, le paysage défile dans une sorte de flou. Aujourd’hui encore, je trouve ça fascinant de réaliser qu’il m’a fallu vingt ou trente minutes pour monter et seulement cinq pour me retrouver en bas. J’arrive épuisée et exaltée. C’est comme une drogue. »