Custom Alt Text
Miren Garaicoechea le

Backroom is not dead

Aux quatre coins de la France, des arrière-salles de boîtes, bars, saunas ou squats sont dédiées au sexe. Ces backrooms, nées au sein de la communauté gay dans les années 1970, conquièrent aujourd’hui de nouveaux espaces et s’ouvrent à d’autres formes de sexualités.

Aux toilettes d’une soirée techno, une personne se lave les mains, et lance un coup d’œil à gauche, à droite. Avec minutie, des hommes décalottent leur pénis pour le rincer d’un maigre filet d’eau. Personne ne sourcille. À deux pas, un grand drap noir masque l’entrée d’une salle obscure d’où sortent des corps nus. « Venez, venez rendre visite à la backroom, mes jolis ! », appâte un habitué. La curiosité est piquée. Que cache ce drap ? Malgré la crise sanitaire du coronavirus, qui a emmuré les sexualités à domicile, les backrooms ne sont pas mortes. Nées dans la communauté gay des années 1970 pour se réapproprier une sexualité stigmatisée, ces arrière-salles à sexe de bars, boîtes et saunas conquièrent de plus en plus de milieux. Pendant une nuit, un samedi de mai, Sphères a arpenté des backrooms de soirées franciliennes.

Direction Saint-Denis, au nord de Paris. Une forte odeur de désodorisant s’empare d’un coin du Noctis club. « On a dû bomber à fond, ça pue l’animal mort », note un regard inquiet vers le plafond. Ce soir, pas de tables rondes, de nappes, ni de dragées typiques des mariages que ce club suranné a l’habitude d’accueillir. Sur le carrelage froid ont été disposés des croix de Saint-André, une cage à taille humaine, un prisme dédié à la suspension. La soirée Kink mêle tous les univers et toutes les sexualités : clubber adeptes de techno, kink (sexualité sortant de la norme), échangisme et BDSM.

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Chacun sa bulle

Au fond, de lourds draps noirs tombent du plafond pour délimiter deux love room, dont l’une est en mixité choisie (les hommes cisgenres, assignés hommes à la naissance, en sont exclus). « On a préféré ce terme, moins dark, plus doux que backroom. Ça fait moins peur », précise Benoît, président de l’association organisatrice. L’usage du terme « libertinage » est aussi proscrit de son vocabulaire, « trop connoté hétéro pour nos soirées non-binaires ». Il faut d’ailleurs s’empresser de recouvrir les genres indiqués sur les toilettes, lance-t-il à l’équipe en passant.

23h. À l’entrée des love rooms, Laetitia* [*le prénom a été changé, ndlr] rappelle aux runners, aussi appelés angels, les règles de la soirée. Ces gardiens du temple vont se relayer pour filtrer l’accès aux love rooms, et y faire des rondes : briefer chaque arrivant sur le consentement, réapprovisionner en capotes, désinfecter les lits et la sex swing (un type de harnais conçu pour permettre des rapports sexuels entre un partenaire suspendu et un autre qui se déplace librement). Elle conclut, dans un rire : « Et surtout… On ne se laisse pas suspendre pendant votre pause ! »

Minuit, les premiers curieux affluent dans la love room principale. Tony et Maxime, deux étudiants qui viennent de se rencontrer, inaugurent la salle d’un chaste baiser, tandis que Joël, fonctionnaire en ministère de cinquante-cinq ans, est éconduit aux portes. Penaud, mains derrière le dos, il cherchait une femme pour « [le] dominer, [le] frapper, [l]’humilier ». Le runner posté à l’entrée, Lorenzol’a renvoyé. « Nouvelle règle ce soir, explique le frigoriste de vingt-neuf ans, seuls passent les binômes, pour éviter les personnes qui se masturbent en solo. »

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Les premiers couples s’emparent des canapés. Les baisers sont langoureux, les lèvres arpentent les vulves, les verges. On s’amuse à deux, parfois à trois dans une chorégraphie de mouvements quasi silencieux. Sarah et Charles, la vingtaine, ont planté leur drapeau sur un canapé isolé. Fellation, amazone, missionnaire… Les regards parfois insistants, les tapes sur l’épaule pour s’inviter n’ont pas brisé leur « bulle ». La standardiste et l’ingénieur, deux amis, ont mis quelques minutes à se sentir libres d’explorer. « On a demandé à trois reprises si on pouvait vraiment tout faire », rit Charles. Mais ont-il vraiment « tout » fait ? « En temps normal, on se domine l’un l’autre. Là, quand quatre personnes sont témoins, c’est autre chose, tempère-t-il. Si je donne une fessée à Sarah, ça renvoie une image déformée, pas très féministe… Je n’ai pas osé. »

À côté, les choses s’accélèrent, le monde afflue. Des univers parallèles se croisent. Les genres, les attirances, les styles vestimentaires sont fluides. Un homme en caleçon rose fluo pénètre une femme en levrette. Des tenues en latex rouge ou noir croisent les queues d’animaux d’adeptes de furry sex [le furry sex consiste en un rapport sexuel avec une ou plusieurs personne(s) déguisée(s) en costume d’animaux, ndlr]. Jay noue de patients nœuds de shibari* autour de son partenaire, Max. Des curieux s’approchent. Sourire béat aux lèvres, Max est désormais complètement immobilisé. L’assemblée observe Jay tapoter la vulve de son partenaire avec vigueur. Sur la sex swing en simili cuir, les cuisses s’ouvrent dans un défilé de vulves. Pensive, Rosetout de paillettes vêtue, contemple ce spectacle, les yeux ronds. « J’avais déjà fait un club libertin. Mais là, c’est fou d’être libéré à ce point. » Chacun, chacune, vient chercher quelque chose. Un couple étranger “resserre ses liens”, un financier célibataire y trouve une alternative au porno qu’il consommait quotidiennement, fut un temps. 2h30, échos de râles et de fesses qui claquent. Huit, dix, douze couples échangent salive, sueur et fluides. Deux hommes insistants auprès d’un couple de femmes sont éloignés par Lorenzo. Des badauds philosophent, comme cet hétéro, médusé d’apprendre par une lesbienne que la dichotomie plaisir vaginal / clitoridien est un mythe.

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Face au bar, des prospectus sensibilisent aux risques liés aux psychotropes ou au chemsex [le chemsex, mot-valise combinant « chemical » et sexe, est le fait de combiner la pratique du sexe et la prise de drogue. Cela peut déboucher sur des conduites à risques, ndlr]. « Les étudiants qui tiennent le stand de prévention d’habitude sont en partiels », regrette Benoît. La prévention des risques peut parfois aller bien plus loin, explique au téléphone Solène Bost, directrice d’Aremedia, association de santé publique. « Pendant nos interventions en saunas et soirées, un médecin et un infirmier réalisent des dépistages anonymes et gratuits des IST les plus fréquentes, le VIH, hépatites A, B, C, la syphilis, la chlamydia et la gonorrhée. On parle aussi des risques liés à la consommation de substances, comme le GHB, ou les nouvelles drogues de synthèse comme la 3MMC, la 4MMC. »

Pissotières, quais et aires d’autoroute

Les backrooms ne viennent ni du libertinage, ni de l’échangisme, mais du milieu gay, de la culture du cruising (littéralement la drague, la chasse). Elles sont quasi absentes du milieu lesbien, à l’exception de la soirée Dyketopia. Selon Rémi Calmon, directeur du Syndicat national des entreprises gaies (SNEG & Co), environ le tiers des quatre cents adhérents propose des backrooms. «Toute statistique est impossible, l’activité de backroom étant annexe à une activité principale (bar, discothèque, sauna) »Et c’est peut-être mieux ainsi, selon lui. « Si les backrooms étaient référencées, une personne mal intentionnée au pouvoir, avec une idéologie puritaine, pourrait fermer ces établissements en appuyant sur un seul bouton. »

Fréquenter des backrooms n’est pourtant pas illégal, même si « la loi sur la sécurité intérieure portée par Nicolas Sarkozy en 2003 a compliqué la donne, note Laurent Gaissad, socio-anthropologue à l’Université de Toulouse Jean Jaurès, auteur d’Hommes en chasse. Chroniques territoriales d’une sexualité secrète (2020, Presses universitaires de Paris Nanterre). L’outrage aux mœurs ou à la pudeur est devenu un délit d’exhibition sexuelle. Or, en backroom, personne ne s’exhibe à vous », note-t-il. Une jurisprudence de 2005 fait référence pour les lieux de drague : « Des hommes poursuivis pour exhibitionnisme sur une aire de pique-nique près de Nantes ont été relaxés par le tribunal correctionnel. Selon lui, les relations sexuelles avaient eu lieu suffisamment à la dérobée de la vue du public », évoque le chercheur.

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Les backrooms ne sont pas un phénomène nouveau. Apparues dans les années 1970, elles n’ont vraiment été étudiées que durant l’épidémie du Sida, fin des années 1990. Elles sont indissociables des lieux de dragues gays, ces lieux publics et gratuits, où couchaient des inconnus de tout âge, condition sociale et couleur de peau. « C’était un feu d’arti-fesses ! », s’amuse Michel Chomarat, soixante-quatorze ans. Le Lyonnais se remémore une époque bénie pré-Sida, à voguer de lieux ouverts en lieux fermés. « Je montais à Paris en voiture parce qu’à Lyon, des backrooms, il n’y en avait pas. Pendant une semaine, je m’arrêtais sur toutes les aires d’autoroute, lieux de drague notoires. » À l’époque, les « tasses », pissotières en vieil argot, et les quais de Seine, un mélange de terrains vagues, de parking et de sablières, étaient en vogue. L’imaginaire de friche urbaine et industrielle des lieux de drague sera d’ailleurs repris par des bars, que ce soit dans leur nom (le Dépôt par exemple, club gay iconique depuis 1998), ou dans l’aménagement de la backroom. Avec ses palissades en bois, le Leather16, un autre bar, rappelait ainsi l’univers des chantiers. 

Pénis et mains en l’air

Fréquenter les backrooms n’est pas sans risque, notamment à cause des « casseurs de pédés » qui attendaient à la sortie, et de la police. « Star des backrooms » autoproclamée, l’activiste Michel Chomarat a été condamné trois fois pour délit d’outrage public à la pudeur. Ce fils de résistant, neveu de maquisard, a été condamné par une loi de Vichy. Abrogée en 1982, elle fixait la majorité sexuelle à vingt-et-un ans pour les homos, contre treize pour les hétéros. Ce soir de 25 mai 1977, au bar le Manhattan, dans le Ve arrondissement de Paris, Michel s’amuse dans la backroom du sous-sol, quand lumière ! La police débarque. Neuf clients sont embarqués avec les patrons au Quai des Orfèvres. L’affaire est tout de suite largement médiatisée. Articles, comités de soutien d’anonymes et d’intellectuels tels que Marguerite Duras, Michel Foucault et Gilles Deleuze affluent. 

Ces procès ne dissuadent pas Michel, qui aime le côté « no limit, no future » des boîtes à cul. Jusqu’en 1983 du moins. La vague mortifère du Sida déferle et calme ses ardeurs. Mais les backrooms ne disparaissent pas pour autant. « On a arrêté de faire un tas de choses, d’avaler le sperme, la sodomie. Mais on continuait à y aller », soutient François, cinquante-huit ans, trente de backroom. Contrairement aux États-Unis qui ferment massivement les backrooms, la France les laisse ouvertes. Une aubaine. « C’était devenu compliqué de draguer dehors, reprend François. Quand le quartier des Halles a été propulsé centre de la région Île-de-France, les violences homophobes ont augmenté. » François se réfugie donc dans les backrooms, nombreuses et spécialisées. Il y trouve confort, sécurité, boisson et matériel de protection en prime.

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Les backrooms auraient-elles signé la fin des lieux de drague ? « Pas du tout !, recadre le sociologue Laurent GaissadLes lieux de dragues ont disparu du centre-ville, pour réapparaître en périphérie. Mais cela ne tient pas qu’aux backrooms : il y a aussi l’élagage, la gentrification, l’éclairage… », détaille-t-il. Dès 1999 par exemple, des péniches avec bars ouvrent le long de la Seine, à Paris, et rognent sur les lieux de drague. De même, cette adaptation a été progressive à Toulouse, observe Laurent Gaissad : « Dans le quartier Saint-Aubin, les buissons ont été rasés. Les personnes se sont déplacées sous les portes cochères. Puis sont apparus des digicodes, puis les lumières automatiques. » 

La vitalité des backrooms peut étonner. « Malgré la panique morale du Sida, l’apparition des applications de rencontres et le coronavirus, les backrooms continuent », s’étonne Laurent Gaissad. Chaque raz-de-marée aurait pourtant pu être fatal. « Les applications ont opéré comme un confinement de la sexualité avant le confinement du Covid-19. Chacun peut commander à domicile de la drogue, un mec et une pizza. Certains se sont abstraits de l’espace public. » 

Dans l’arène

Pas tous. Paris, 4h du matin, un beat étouffé de techno s’échappe d’une porte de sécurité cachée par des buissons. Le lieu de la soirée libertaire organisée par le collectif Monarch doit rester secret. À l’entrée, le ton est donné : « C’est une orgie. » À peine ouverte, un nuage humide et chaud saute au visage. La vision qui suit, dantesque, rassemble tous les canons post-apocalyptiques. De rares néons rouges ponctuent les murs bruts de ce qui ressemble à un dépôt ou un squat. Le plafond, haut de près de dix mètres, est traversé de passerelles de service. Cinq cents personnes dansent dans la pénombre. Près de toilettes de chantiers, trois barnums forment une seule et même backroom.

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Dans cette arène quasi obscure, les murs ruissellent, l’air est saturé de poppers. La vision subjugue. Une cinquantaine d’hommes s’agglutinent. Musclés, harnachés, en jock mail (ces boxers qui révèlent les fesses), ils se croisent, se sucent, s’embrassent, se masturbent, s’enculent, à deux, à trois partenaires, rarement plus. Parfois, un membre de l’organisation fend la foule avec sa lampe torche, pour vérifier que personne ne prenne de GHB. Mal dosé ou mélangé avec de l’alcool, il peut avoir de graves conséquences. Certains récupèrent des capotes à disposition dans une baignoire. En fin de course d’une fellation, un homme tape sur l’épaule de l’autre et repart aussi sec. On n’entend d’ailleurs ni voix, ni rire, ni râle, mais un brouhaha de murmures couverts par la musique. « Ce silence, qui est aussi un silence de consentement, m’a toujours marqué, explique Laurent Gaissad. Le désir se négocie au raz des postures, des attitudes, des corps qui se rencontrent en ayant échangé, si ce n’est des mots, du toucher. »

Les codes de consentement diffèrent selon le type de backroom. En darkrooms, plongées dans le noir absolu, on ne voit ni le partenaire, ni son approche. Le consentement est donné tout entier à la porte d’entrée. En backroom, d’autres codes non-verbaux interviennent, nous explique Nasser, trente-neuf ans. « D’abord, le eye contact. Puis tu frôles l’épaule, le bras, tu repousses. Pour sucer ou enculer, la plupart demandent, ou passent par d’autres gestes : tu tends ton cul pour inviter à une pénétration, ou bien tu fais une pression sur l’épaule pour demander une fellation. Si la personne résiste, ça veut dire non. Contrairement aux femmes, on n’a pas de rapport de domination entre hommes, donc on ne le prend pas mal. »

Nasser préfère nettement les backrooms aux applis pour coucher. Elles le délestent d’une charge mentale : « Grindr, il faut avoir du temps, c’est pas Ubereats ! », rit-il. Sous PrEP, un traitement préventif contre le VIH, et vacciné au monkeypox, la variole du singe, l’homme prévoyant fait les comptes : six pénétrations, « sûrement plus de fellations » ce soir. Intercepté au vol, Thiago, vingt-quatre ans, fête son anniversaire sous le barnum. Des moments libérateurs, où l’apparence compte moins qu’au quotidien, clame-t-il. « Mais c’est ma première fois sans drogue… Et je m’éclate moins. Je suis plus inquiet, je me demande si ça va faire mal, je jauge plus la tête des mecs », regrette-t-il.

© Cha Gonzalez
© Cha Gonzalez

Deux écoles 

Ces codes ne protègent pas des agresseurs. Le 22 mars 2023, le collectif la Fesste annonçait sur Facebook avoir « eu des retours faisant état d’agressions et d’agressions sexuelles » à la suite d’une soirée avec backrooms, co organisée avec la Monarch le 10 mars. « Nous n’avons pas trouvé de solution permettant de garantir un niveau de sécurité correspondant à nos attentes dans de tels événements (plus de huit cents personnes), la décision de les stopper a donc été évidente », a confirmé la Fesste, contactée par Sphères. Les événements de petite taille, soit moins de deux cents personnes, continueront avec le protocole habituel : « questionnaire pour l’ensemble des participants, absence de pub sur les groupes généralistes, angels, speech consentement et questionnaires anonymes post-événements ». Avertie, la Monarch a préféré ne pas s’exprimer publiquement sur le sujet.

Ne serait-ce qu’une histoire de taille d’événements ? Pas seulement, estiment certains. Trois personnes ont confié à Sphères avoir été victimes de faits pouvant être qualifiés d’agression sexuelle ou de viol dans des soirées avec backroom cette dernière année. Tous et toutes habitués aux soirées sexpositive et/ou BDSM, où l’attention au consentement est cruciale et explicite, estiment l’encadrement insuffisant : absence d’angels, staff non reconnaissable, jauge surestimée, manque de sélection à l’entrée… Contactée par Sphères, l’organisation des soirées concernées regrette de ne pas avoir reçu ces signalements, et enjoint les victimes à porter plainte. Pour elle, l’absence de signe ostentatoire est un parti-pris de sécurité : « Chaque soirée, quatre à cinq membres de l’organisation tournent, sans brassards, ni gilets, parce que ça les rend moins repérables par les agresseurs. » En sous-marin, ces surveillants de l’ombre seraient déjà intervenus, menant à l’expulsion d’agresseurs, et à la prise en charge de personnes agressées sous leurs yeux. Pas question en revanche de poster des angels à l’entrée des backrooms : « On ne peut pas arrêter quelqu’un pour lui indiquer que potentiellement, il serait agressé. On est là pour faire vivre un moment magique. »

6h, le jour se lève. À Saint-Denis comme à Paris, des fêtards continueront jusqu’à 8h. Après cinquante ans d’existence, les backrooms n’en ont pas fini de bouleverser le monde de la nuit.

Miren Garaicoechea

Ajouter au panier

Collection Sphères
Les libertins
20 €
Dans ce numéro