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César Marchal le

« Être chauve est un art de vivre » – Entretien avec Nicolas Beretti, cofondateur du Bold club

Nicolas Beretti, 40 ans, est un multi-entrepreneur dont la dernière création est le Bold Club, une marque de cosmétiques pour chauves cofondée avec Éric Judor, qui entend valoriser l’image de la calvitie. Il raconte sa genèse, étroitement liée à son expérience de la calvitie.

Propos recueillis par : Camélia Messaoudi

Tu as créé le Bold Club avec Éric Judor. Peux-tu nous raconter comment t’est venue cette idée ? 

Ça a commencé dans ma douche, avec un ras le bol de devoir me raser la tête tout le temps et l’envie d’aller me faire chouchouter dans un salon. Et avec un jeu de mots débile qui m’est alors venu à l’esprit : “carte bold”. Ça m’a fait rire, et j’ai eu envie de donner vie à ce jeu de mots. 

En créant un club, donc ?

Exactement. Avec l’idée que la carte bold du club te donne accès à des avantages exclusifs parce que tu es chauve. Rien de plus, je n’avais pas vraiment travaillé le concept. Mais j’en ai parlé à un associé chauve, qui en a parlé à un autre chauve, qui en a parlé à un autre chauve. On s’est retrouvés à quatre, et là, on s’est dit : “Chiche, on crée une marque ?” Quelque temps après, un peu par hasard, on a pu pitcher l’idée à l’associé d’Éric Judor. Au bout d’une semaine je rencontrais Éric. Il a tout de suite été partant. 

On peut lire sur le site du Bold Club que, selon toi, “être chauve c’est plus qu’un style, c’est un art de vivre”. C’est-à-dire ?

D’un simple point de vue logistique, c’est déjà un art de vivre. Dès que tu franchis le pas de la chauvitude, que tu fais ton “chauving-out”, tu ne supportes pas que ça repousse, ce qui est très paradoxal. Ça demande un entretien quasi quotidien : rasage, après-rasage, hydratation… Ça devient une routine de tous les jours. 

D’autre part, je dirais qu’il y a deux types de comportement vis-à-vis de sa propre chauvitude. Soit tu passes par le complexe et tu vas en Turquie – c’est ce contre quoi on lutte au Bold Club. Soit tu acceptes et tu en fais une force, un humour… Dans ce sens aussi, c’est un art de vivre.

« Prendre un avion plein de chauves pour aller en Turquie, revenir avec des bandages et des points rouges… non merci ! »

Nicolas Beretti

Pourquoi dis-tu que la repousse devient quelque chose d’insupportable ?

Je pense que c’est esthétique, de mon point de vue en tout cas. Quand je suis chauve et rasé de près, ça fait propre, ça donne l’impression que c’est un choix. Dès que ça repousse, je vois le côté tonsure de moine. Ça met un coup de vieux.

Quand est-ce que tu as perdu tes cheveux ? 

Très tôt, vers là vingtaine. J’étais donc un peu “seul tout”. On me vannait pas mal, et j’ai très vite été obligé de développer des réparties. La chance que j’ai eue, c’est que mon meilleur pote d’alors a lui aussi commencé à perdre ses cheveux peu de temps après moi. On se rassurait avec une phrase à la con qui était : “Chauve, c’est mieux.” C’est un peu la genèse du Bold Club, vingt ans avant.

On imagine que ça n’a pas dû être facile.

En effet, c’était difficile de bien le prendre. C’est pour ça qu’être chauve, ça doit être un art de vivre. C’est un peu un aïkido conceptuel. Tu prends la force de ton adversaire : soit il te terrasse, soit tu la retournes contre lui. Nous, on a fait le choix de la retourner et d’en faire une force. À vingt ans, ce n’est pas évident. 

As-tu encore en tête des exemples de vannes qu’on te faisait ?

Les trucs classiques que tous les chauves ont connu, genre : “Aïe, on est éblouis par le reflet sur ton crâne.” Cette vanne, au passage, c’est la genèse de la crème matifiante : on veut briller en tant que chauve, mais pas du crâne.

« La crainte qu’on a, nous les chauves, c’est plutôt d’être identifiés à Michel Blanc qu’à Vin Diesel, The Rock ou Bruce Willis.
Des chauves grands, sportifs, beaux, gentils… ça oui. Mais Voldemort, c’est pas ouf. »

Nicolas Beretti

As-tu toi aussi cherché, à cette époque, à t’identifier à une star chauve pour te rassurer ?

Comme tout le monde ! Après, concrètement, les canons de beauté sont rarement chauves, et dans les films, les chauves sont souvent méchants. Personnellement, on me disait parfois que j’avais un air de Jason Statham, ce qui était plutôt agréable. (Rires.) Globalement, j’avais la chance d’être grand et plutôt sportif. Mais si j’avais été petit et trapu, on m’aurait comparé à Michel Blanc, paix à son âme. Dans Les bronzés, il n’est pas vraiment un canon de beauté qui fait rêver les filles. La crainte qu’on a, nous les chauves, c’est plutôt d’être identifiés à Michel Blanc qu’à Vin Diesel, The Rock ou Bruce Willis. Des chauves grands, sportifs, beaux, gentils… ça oui. Mais Voldemort, c’est pas ouf.  

Pourquoi penses-tu que la chauvitude est souvent vécue négativement par les hommes ?

Parce que tes cheveux, au départ, sont une partie de toi. Ils te cachent et te protègent du regard des gens. Quand tu les perds, tu as vraiment le sentiment d’être à poil dans la rue, et ce n’est pas un sentiment très agréable. C’est comme si tous les gens qui ont des cheveux pouvaient se fondre dans le décor alors que toi, tu es au milieu, différent, visible et observé. Tu attires les blagues, on t’identifie comme étant “le chauve là-bas”. C’est psychologique, car en réalité on est habitué à voir des chauves tout le temps. Mais il faut du temps pour se débarrasser de cette impression.

Avec la popularité des implants capillaires aujourd’hui, es-tu certain que si tu avais eu cette option plus jeune, tu aurais tenté l’expérience ?

Non, vraiment, ça ne m’a jamais tenté. C’est une logistique de merde, avec énormement de contraintes pour un coût énorme. Prendre un avion plein de chauves pour aller en Turquie, revenir avec des bandages et des points rouges… non merci ! Comme je le disais, la seule chose qui est pénible avec le fait d’être chauve, c’est l’entretien. Pour le reste, je le vis désormais bien.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui peine à accepter sa calvitie et qui cherche à renforcer sa confiance en soi ?

Je lui dirais que ce petit truc en moins, s’il l’accepte, va lui donner un truc en plus. Car ressembler à tout le monde, c’est chiant. Et j’ajouterai que ça sera l’occasion de prendre soin de lui. Michel Blanc, pour revenir à lui, est passé de la tonsure des bronzés à la tête complètement rasée. Il s’est mit à la muscu. Il a fait un chauving-out modèle. Pareil pour Jeff Bezos : il est passé de petit, maigre, chauve, avec des cheveux sur les côtés, à la tête totalement rasée. Lui aussi s’est mis au sport. Soyons clair : ça reste de l’apparence. Mais le message, derrière, c’est que tu prends soin de toi et que tu t’assumes. Ça ne peut être que bénéfique.

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Les chauves
12 €
Dans ce numéro