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César Marchal le

Bernard Thévenet & Jeannie Longo : Tandem

La cycliste la plus titrée de l’Histoire rencontre le double vainqueur du Tour de France, en 1975 et 1977. Les deux pointures abordent les moments phares de leurs carrières, l’importance cruciale des bénévoles ou les changements drastiques induits par la technologie. Bref, pour discuter du cyclisme de demain, d’hier et d’aujourd’hui.

Jeannie, saviez-vous que Bernard a vécu enfant à Saint-Julien-de-Civry, dans un lieu-dit qui s’appelle Le Guidon ? Prémonitoire, non ?
Jeannie Longo :
Je savais qu’il était bourguignon, mais ça, je ne savais pas, non !

Bernard Thévenet : Oui, c’est un petit hameau où il y a seulement six maisons. Mes parents étaient agriculteurs et habitaient dans mes premières années dans une petite ferme, puis, quand j’ai eu huit ou dix ans, ils ont emménagé dans une ferme un peu plus grande, dans ce hameau qui s’appelle Le Guidon.

Et c’est pour ça que vous vous êtes décidé à faire du vélo, ce « sport de forçats », comme disait Albert Londres ?
BT :
Non, pas du tout ! [Rires.] C’est simplement que j’habitais un tout petit village où il n’y avait ni stade, ni équipe de foot, et donc que je n’avais le choix qu’entre la course à pied et le vélo. J’avais surtout entendu parler du Tour de France, donc quand il est passé devant la ferme de mes parents quand j’avais treize ans, je suis allé le voir avec un copain qui participait déjà à des courses, et ça m’a donné envie de m’y mettre.
Et vous Jeannie, pourquoi avoir choisi le cyclisme ?

JL : J’habitais Saint-Gervais-les-Bains, en Haute-Savoie. Ma chambre était en face des Dômes de Miage, dans la chaîne du Mont-Blanc, et comme tous les gamins du village, j’ai commencé par faire de la compétition de ski alpin. Mais on était tout le temps dans les champs à vélo, j’allais à l’école à vélo le plus vite possible, en me chronométrant, et l’été, les skieurs s’entraînaient à vélo. Et puis j’étais dans une région tellement belle que je roulais tout le temps l’été. Je ne faisais pas de grandes distances, plutôt des sorties de 40 ou 50 kilomètres, et je montais des cols comme les Aravis ou les Saisies. En 1979, quand on m’a annoncé que le championnat du monde allait avoir lieu à Sallanches l’année suivante, j’ai dit à mon futur époux que j’aimerais y participer. Il m’a répondu : « Faudrait peut-être que tu prennes une licence ! » [Rires.] Avec son père, qui était cycliste, ils ont donc commencé à me prendre en main pour tout ce qui était administratif, matériel et entraînement. En même temps, je faisais partie de l’équipe universitaire française de ski, j’ai disputé les championnats du monde universitaire trois fois.

BT : C’est là qu’on s’est connu, sur la piste de Grenoble, en 1979 ou 1980.

Bernard, la ferme est-elle une bonne formation au sport de haut niveau ?
BT :
Oui, sans aucun doute. Le travail dans le domaine agricole est une bonne école, déjà parce que c’est tous les jours, ensuite parce qu’on sait que si on ne sème pas, on ne récolte pas. [Rires.] Et puis comme à vélo, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse froid, s’il faut travailler dehors, il faut travailler. Bien sûr, parfois on n’en a pas le goût, mais faut y aller ! [Rires.]

Et vous Jeannie, la montagne vous a aidée ?
JL :
Oui, ça m’a aidée au début, notamment sur la piste, parce que le ski alpin travaille vraiment la puissance explosive. J’étais grasse, mais j’avais un tour de cuisse impressionnant ! [Rires.]

© Antoine Merlet

Qui étaient vos premiers soutiens ?
JL :
Mes parents. On était trois filles, mon père n’avait donc pas de garçon, et il nous considérait comme des enfants, sans distinction de genre. On a fait des tas de sports d’habitude plutôt réservés aux hommes, comme le rugby, la boxe, la lutte, le ski. Ma mère, lanceuse, m’a appris à lancer le disque. J’avais des parents très sportifs et un peu intellos aussi, qui m’ont donc donné une bonne éducation et m’ont toujours encouragée dans la compétition. Et bien sûr, ensuite Patrice [Ciprelli, ndlr], mon fiancé puis mon mari, a pris le relais et m’a accompagnée toute ma carrière.

BT : J’ai eu le soutien des gens du Vélo Club charolais, on n’était pas nombreux, quatre ou cinq coureurs… Mais le secrétaire avait vraiment envie d’éduquer les jeunes, de les faire progresser. C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier, parce que mes parents ne connaissaient rien au sport. J’ai eu la chance, ensuite, à Charolles, de rencontrer beaucoup de bons dirigeants de la région lyonnaise. Un constructeur de vélo m’a demandé de faire partie de son équipe, et à partir de là, j’étais entouré d’un entraîneur, d’un directeur sportif et de coureurs déjà pas mal aguerris qui m’ont partagé leur expérience. Mais à l’époque, c’était des méthodes d’entraînement plus empiriques ! Jeannie, quand elle est arrivée, c’était des méthodes plus scientifiques…

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