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César Marchal le

Emmanuel Tarpin, Jeune Pousse

Du haut de ses 33 ans, Emmanuel Tarpin crée des pièces de haute joaillerie uniques et gère seul son entreprise fondée en 2017. Auréolé d’un succès précoce, le natif d’Annecy, passionné de montagne, s’inspire surtout de la nature pour réaliser des bijoux piments, fourmis, géraniums ou orchidées, grâce auxquels il entend apporter fraîcheur et légèreté à l’univers joaillier, parfois un tantinet guindé.

Puisque son appartement est en réfection intégrale, Emmanuel Tarpin s’est réfugié à l’hôtel Bristol avec sa garde rapprochée, deux molosses aussi féroces que territoriaux, qui montrent les dents quand quiconque passe le seuil de sa suite et qui ont un jour, selon leur propriétaire, assujetti des croisés chiens-loups par leurs seuls grognements. Deux chihuahuas : Betty, la mère, et Gaïa, sa fille, campées ce 3 septembre dans le canapé beige du salon. Contrairement à son mari, le joaillier aimerait avoir un gros chien. D’abord parce qu’il préfère, tout bonnement, mais aussi parce que ça ferait contraste avec les deux plus petits et que le contraste, dans sa vie comme dans son art, est important. Pour preuve, on trouve parmi ses dernières créations des boucles d’oreille tourbillonnantes dont l’or noir, mat, pallie l’éclat puissant des diamants, sertis en spirale. Ainsi qu’un papillon en titane bleu, dont la surface poudrée tranche avec la brillance lisse des pierres de lune incrustées dedans. « Pour donner vie à une pièce, le design est primordial, mais le travail de la lumière et de la texture aussi, explique le joaillier. Imaginez une sculpture entièrement pavée de diamants : on ne verrait plus rien. » Du contraste, donc. Et une certaine confidentialité.

Emmanuel Tarpin gère seul son entreprise de haute joaillerie créée il y a huit ans. Il n’a ni équipe de relation presse, ni chargé de relation clients. Il n’a pas de boutique non plus, mais reçoit celles et ceux qui désirent une de ses pièces dans l’intimité d’un salon. Il rencontre souvent lui-même les marchands de gemmes. Il croque, dessine et pense ses bijoux en s’inspirant notamment de la nature, puis travaille en direct avec deux ateliers de la place Vendôme pour les réaliser. « Peut-être que j’ai du mal à déléguer, mais je voudrais conserver la gestion du maximum de choses possible », assume-t-il. En conséquence, il ne produit chaque année qu’une trentaine de pièces maximum, vendues en moyenne 80 000 euros l’unité. Sa réputation s’est bâtie sur le bouche-à-oreille et sur les publications de son compte Instagram, qui compte aujourd’hui plus de 70 000 followers. Elle s’est bâtie, surtout, sur son succès précoce.

© Frankie & Nikki

Non pas que le joaillier soit très vieux (il a 33 ans), mais, chose exceptionnelle dans le milieu, ses toutes premières pièces, des boucles d’oreille en forme de feuilles de géranium, en or jaune et aluminium vert, ont été vendues 25 000 dollars par Christie’s en décembre 2017. Emmanuel Tarpin avait alors 25 ans. Au cours des années suivantes, ses créations ont été régulièrement portées par des célébrités : Rihanna s’est affichée à la cérémonie des Oscars de 2019 avec ses boucles d’oreille coquillage, Johnny Depp au festival de Cannes de 2023 avec une boucle d’oreille en noeud marin, clin d’oeil au capitaine Jack Sparrow de Pirate des Caraïbes, et Sharon Stone au gala Women Making History Awards de 2023 avec des boucles d’oreille tiges de haricot en tsavorites et or jaune. Cette percée spectaculaire, documentée par des médias comme le New York Times, le Times, ou Forbes a logiquement valu au jeune prodige le surnom de « golden boy« . L’hommage le touche, le sobriquet moins : trop bling-bling à son goût.

Hautbois, sculpture, escalade
Sa tenue, ce jour de septembre, traduit plutôt un penchant pour la sobriété. Le joaillier aux épaules carrées est vêtu de tons sombres, rehaussés seulement par la tache claire de ses cheveux décolorés et trois touches d’or discrètes : une boucle d’oreille, une montre et une alliance. « Je ne suis pas très bague de base, et encore moins parce que je fais beaucoup de grimpe et d’escalade sur glacier, où on évite d’en porter parce qu’elles peuvent blesser, explique-t-il. Donc j’ai créé des alliances en or jaune très fines. » Un anneau banal, à première vue. Moins quand il le retire et qu’apparaît l’intérieur, pavé de diamants. Manière pour lui de signifier que ce qu’on a de plus précieux est souvent pudique, intime et donc caché. Il rit : « Ma mère a crié quand elle a vu ça : « Mais quel intérêt de foutre des diamants pour que personne ne les voit ? » »

Cet article est à retrouver en intégralité dans Sphères métiers d’art N°1 : les joailliers

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Collection Sphères
Les joailliers
12 €
Dans ce numéro