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César Marchal le

« Les qualités du chat sont des outils précieux pour les femmes »

D’un trait rétro inspiré par le pop art, Cosmo Danchin-Hamard dessine des scènes aux couleurs saturées porteuses d’un message satirique souvent incarné par des femmes, et souvent par des chats. Car l’illustratrice même pas trentenaire, installée au Havre depuis 2020 après une enfance à Étretat et dix années à Paris, entretient avec le félin une […]

D’un trait rétro inspiré par le pop art, Cosmo Danchin-Hamard dessine des scènes aux couleurs saturées porteuses d’un message satirique souvent incarné par des femmes, et souvent par des chats. Car l’illustratrice même pas trentenaire, installée au Havre depuis 2020 après une enfance à Étretat et dix années à Paris, entretient avec le félin une relation personnelle née à quatre ans avec Moumousse (le chat de sa marraine qui faisait alors la même taille qu’elle), poursuivie avec son chartreux Blue Love (qui savait jouer à cache-cache) et Plume (qui, c’est le comble, était obèse).

Dans son travail, visible sur son compte Instagram @cosmoillustrator, le chat se décline sous mille facettes. Personnage principal ou détail du dessin, il est tour à tour vecteur d’ironie, de malice et d’élégance, et incarne aussi bien la paresse que la lascivité, la distance que la proximité. Autant de nuances qui, pour l’artiste, font du chat une figure fascinante mais aussi féminine, en cela qu’elle représente à merveille la posture d’équilibriste que la société impose aux femmes : sensuelles mais pas trop, agressives mais pas trop, indépendantes mais pas trop.

Vous avez un chat ?

J’avais, il s’appelait Blue Love et est mort il y a quelques années. Pourtant, je viens d’une famille qui a la base n’avait pas d’animaux de compagnie, parce que mon père était catégoriquement contre, pour des raisons classiques, notamment les contraintes de déplacement. Mais pour mes dix ans, j’ai demandé un chat à mes parents, qui ont finalement accepté, parce qu’ils ont estimé que j’avais l’âge pour changer la litière et m’occuper de lui, et que ça permettrait de me responsabiliser. On est allé chercher un chartreux, une race de chats qui convenait à mon père notamment parce qu’elle est réputée pour ne pas miauler. [Rires.] Alors qu’in fine, mon père, c’était vraiment le plus fan du chat !

Petit à petit, il est devenu une mascotte, toute ma famille en était proche. C’était marrant parce que le mec avec lequel je suis mariée aujourd’hui déteste les chats, sa grand-mère en avait cinquante, donc à chaque fois qu’il allait chez elle il se faisait griffer… pourtant j’ai des photos de lui qui embrasse mon chat sur la bouche. [Rires.] Donc je trouve qu’ils sont capables de te faire changer d’avis. Ça, ça m’est resté. Maintenant, j’ai des chiens dans ma vie et j’apprends à les aimer (notamment parce que ma fille de quatre ans les adule), mais spontanément, je m’identifie plus au chat dans son fonctionnement social. Et j’espère qu’un jour, on prendra un chat pour que ma fille ait cette expérience aussi.

Par Cosmo Danchin-Hamard

Qu’est-ce que ce chartreux a changé dans votre vie ?

Il y a parfois des trucs qui germent en nous quand on est enfant, et dont l’incidence sur nos vies ne nous apparaît qu’une fois adulte, rétrospectivement. Mon chat, ça a été ça. C’était vraiment une rencontre. Pourtant, j’ai trouvé que le concept du chat en tant qu’animal de compagnie était contre-nature, parce qu’il n’est pas vraiment fait pour être domestiqué, il est solitaire et sauvage… mais en même temps, le lien qu’on crée est profond et se mérite vraiment (contrairement aux relations canines, où le lien est assez naturel, et du type dominant-dominé).

J’ai aussi aimé voir le type d’interactions qu’il initiait chez les humains qui n’étaient pas sensibles aux félins. Je me suis dit : « C’est génial, c’est vraiment un animal qui est là pour aller voir les gens qui n’ont pas envie de le voir. » [Rires.] Il est dans une relation d’amour-haine, un rapport ambivalent, qui est très fun.

Comment fait-on le deuil de cette relation particulière ?

Mon chat Blue Love est mort le 13 novembre 2021, à quinze ou seize ans, peu après la naissance de ma fille. Le fait qu’elle soit là m’a aidée, ça a été une forme de transition naturelle. D’ailleurs, il a une tombe chez mes parents. Mon père, ce mec qui ne voulait pas de chat, l’a gravée lui-même, ça lui a pris trois semaines, il avait mal aux doigts ! [Rires.] C’est rigolo comment le chat a réussi à se positionner de lui-même dans cette sorte de culte que lui vouent les humains. C’est curieux, et en même temps, est-ce vraiment un hasard que le chat soit vénéré dans notre époque individualiste ?

À vous de nous le dire, vous représentez très souvent le chat dans vos illustrations !

Il s’est imposé dès le départ. Je ne me suis jamais dit de façon consciente : « Tiens, je vais intégrer des chats dans mon travail. » Je suis illustratrice, donc même si je fais aussi mes créations personnelles, le cœur de mon métier, c’est de dessiner pour les autres : marques, particuliers, événements… Du coup, je n’intègre jamais de chats gratuitement. S’il y en a un, c’est qu’il a du sens, qu’il est cohérent. Et après ça, bien sûr, il apporte esthétiquement quelque chose, parce que c’est un animal gracieux, très efficace sur le plan graphique.

© Cosmo Danchin-Hamard

Votre logo est composé d’un chat et d’une boule de billard. Une explication ?

Il y a beaucoup de symbolique dans mon travail, autant dans mes créations personnelles que dans mes productions pour les clients. Quand je me suis lancée dans l’illustration il y a sept ans, j’ai bossé tous les soirs jusqu’à 1h ou 2h du mat’ pour développer mon identité graphique, parce c’est un métier où il est très, très difficile de se faire une place. À ce moment-là m’est venue la boule de billard N°8, qui reste ma signature principale. Dans l’iconographie, c’est un objet qui symbolise la mort, parce qu’elle clôture le jeu, c’est la dernière qu’on met dans le trou, mais pour moi, elle symbolise le fait que tout est circulaire, que tout est un éternel recommencement. Au début je la mettais régulièrement, puis les gens qui me suivent sur Insta ont commencé à la remarquer, et presque à me le reprocher quand je ne l’intégrais pas dans un dessin. Je me suis dit que c’était marrant, donc que j’allais la mettre quasi systématiquement. 

Et pour le chat ?

À mes tout débuts, je dessinais beaucoup, beaucoup de chats. Ce n’était pas conscientisé mais spontané. Puis mon audience s’est vachement développée pendant le Covid, et des gens m’ont contactée pour me dire qu’ils aimaient mon travail. J’ai alors réalisé que ce que je publiais n’était pas juste mon délire personnel, mais que je créais vraiment une identité graphique, un univers digital où les gens pouvaient se réfugier, et que je ne pouvais donc plus juste mettre des éléments parce que j’avais envie de les mettre. C’est là que j’ai passé un cap, et que j’ai réfléchi à la présence des animaux.

Le logo, je l’ai refait il y a seulement deux ou trois ans pour pouvoir l’avoir en en-tête sur mon site. Honnêtement, je voulais qu’il y ait la boule de billard N°8, mais comme ça reste un objet assez dark, je voulais qu’il y ait aussi quelque chose de doux et de représentatif de mon travail. Or, je représente beaucoup de femmes avec une certaine lascivité, c’est une chose importante pour moi, que le chat incarne bien. J’ai donc dessiné un chat dans une position de femme, pour adoucir ce logo. J’aime bien cet oxymore, un symbole de la mort et un symbole de l’amour, de la sensualité.

[Cet article est à retrouver en intégralité dans Sphères n°22 : les chats et nous]

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